Trois villes situées dans le Nord, la Manche et la Gironde vont accueillir des stations équipées d’antennes relais pour diffuser cette technologie. Mais des élus locaux s’y opposent.
Il est le deuxième homme le plus riche de la planète, juste derrière Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon. Avec une fortune estimée à 173,4 milliards de dollars, Elon Musk, le patron de Tesla et SpaceX, souhaite lancer 42 000 satellites de 225 kg chacun en orbite basse. Starlink, cette méga constellation, est destinée à fournir un accès Internet rapide jusque dans les coins les plus reculés de la planète.
Jusqu’ici, SpaceX a déjà envoyé un peu plus de 1 200 satellites dans l’espace. Au sol, le réseau du milliardaire a besoin de stations pour permettre de communiquer avec eux. En France, le constructeur aérospatial américain a choisi de s’établir à Gravelines (Nord), à Saint-Senier-de-Beuvron (Manche), et à Villenave-d’Ornon (Gironde). Mais ce qui s’apparentait à une simple formalité dans bon nombre de pays du globe a pris une autre tournure dans l’Hexagone.
« Principe de précaution »
Et notamment à Saint-Senier-de-Beuvron, où le maire a refusé la demande préalable déposée fin 2020. « Je ne suis pas contre la technologie, prévient Benoît Hamard, maire de ce village de 360 habitants situé à une vingtaine de kilomètres du Mont-Saint-Michel. Mais il ne faut pas faire n’importe quoi. J’applique le principe de précaution. Je ne veux pas que dans vingt ans on me dise qu’il y a des cancers, comme avec l’amiante. »
Dans ce petit coin de Normandie, le maire a reçu un important soutien de ses concitoyens. « Depuis le début, c’est tout flou. Je me bats pour obtenir des éléments. Je demande une étude d’ondes, une étude des sols, et un avant/après projet car c’est une autoroute d’ondes qui va passer au-dessus de nos têtes, dit-il. On nous parle d’une station terrestre avec neuf boules et un abri de 63 m2 mais la demande préalable n’a même pas été faite sur le bon terrain. » Une nouvelle demande a été déposée en mairie, qui n’a pas fait sourire l’édile. « Au départ, le projet concernait un terrain de moins de 1 000 m2, maintenant, ils achètent un champ entier, de 28 800 m2.
« On fait tout un pataquès pour trois éoliennes dans un champ mais là, on met des trucs dans le ciel avec une puissance développée au sol supérieure à la 5G en termes d’ondes et ça passe » Le maire de Gravelines.
"Ils", ce sont les différents intermédiaires du projet Starlink. À Gravelines, c'est Lumen Technologies, société américaine de télécommunications installée en Louisiane, qui porte le projet d'un site composé d'antennes d'émission et de réception. Visuellement, il s'agit de neuf sphère blanches étanche de 2m de diamètre fixées sur une base carrée de 15,50m de diamètre protégée par une clôture métallique de 2m de haut. " AU début, j'étais assez fier qu'on soit choisi, confie le maire de Gravelines, Bertrand Ringot. Mais je suis responsable, donc j'ai approfondi mes recherches pour comprendre de quoi il s'agit".
Dans un premier temps, ce maire nordistes'a pas émis d'opposition quand il a reçu, fin novembre, une demande d'installation d'antennes sur un terrain situé rue du vieux-Chemin-de-Loon, non loin du grand port Maritime de Dunkerque. "Mais j'ai suspendu mon avis pour demander des précisions, confie l'élu socialiste. Je trouve bizarre qu'il n'y ait eu aucun débat national. On fait tout un pataquès pour trois éoliennes dans un champs mais là, on met des trucs dans le ciel avec une puissance développée au sol supérieur à la 5G eb termes d'ondes et ça passe."
Dômes blancs
Le projet Starlink a reçu les autorisations de l'ANFR ( l'Agence nationale des fréquences, qui gère l'ensemble des fréquences radioélectriques en France ) et de l'Arche ( l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes). Cette dernière confirme avoir délivrée, en 2020, des autorisations d'exploitation de fréquence liées aux stations passerelles ( Gateway), essentielles au fonctionnement du réseaux.
Une autorisation d'exploitation des fréquences liées aux terminaux utilisateurs ( Types paraboles), nécessaire pour fournir un service d'accès à internet par satellite aux utilisateurs, a par ailleurs été délivrée le 9 février dernier, mais l'Arcep précise ne pas être "compétente sur les sujets d'urbanisme ou d'exposition aux ondes".
A Villenave-d'Ornon, la municipalité explique avoir géré ce relais du service d'accès à internet à haut débit de SpaceX comme un projet d'urbanisme , installé sur un terrain privé.
Afin de bloquer le déploiement du réseau d'Elon Musk, une dizaine de députés de la France Insoumise ont déposé, le 3 mars, un amendement au projet de loi contre le dérèglement climatique.
Amendement rejeté. Le projet d'Elon Musk n'inquiète pas tout le monde. A Villenave-d’Ornon-d'Ornon, en Grionde, Starlink n'a pas suscité d'émotion particulière, selon Laurent Grasset, conseiller municipal délégué à l'urbanisme, au développement durable et à l'aménagement de la ville. Depuis plusieurs semaines en effet, les dômes blancs qui surplombent le bâtiment ont été installés. La municipalité explique avoir géré ce relais du service d'accès Internet à Haut débit de SpaceX comme un projet d'urbanisme, installé sur un terrain privé.
Contrairement à Gravelines et à Saint-Senier-de-Beuvron, la ville de Villenave-d'Ornon n'a reçu "que quatre courriels" de riverains qui s'interrogeait sur le projet. Et une question a été soulevée par l'opposition municipale, lors du conseil du 23 février. "Nous leur avons répondu, l'affaire est classée" explique Laurent Grasset. Finalement, conclut-il , des éléments complémentaires ont été demandés à SpaceX, puis transmis au chef de service sanitaire de Bordeaux Métropole, "qui nous a répondu qu'au vu des éléments, il n'y avait pas de champs électromagnétique pour les riverains. Il s'agit d'un signal pointé vers le ciel qui sert à guider les satellites dans la stratosphère". La ville ajoute avoir mené "d'autres investigations de personnes indépendantes" qui ont précisé " qu'on est sur une technologie équivalente à de la réception par satellite, ça n'a strictement rien à voir avec la 5G".
Pas de débat, donc, pour un projet qui, à Villenave-d'Ornon, fait désormais du Paysage. Quant aux maires de Gravelines et de Saint-Senir-de-Beuvron, ils savent que même s'ils s'opposent au projet Starlink, les préfets donneront leur accord. " A eux de prendre leurs responsabilités", conclut M. Hamard, maire de Saint-Senier-de-Beuvron.